De tous temps, l’homme n’a cessé de copier la nature. Suivant les animaux qu’ils ont peu à peu domestiqués, les chasseurs sont devenus agriculteurs et ont créé leurs habitats en fonction du bétail et des saisons.
Entre les villages traditionnels du Val d’Hérens et les hauts pâturages d’altitude se cache un trésor architectural unique : les mayens. Ces habitations temporaires, principalement occupées au mois de mai – d’où leur nom – racontent une histoire fascinante d’adaptation à la montagne et de sagesse ancestrale.
Ce sont bien plus que de simples chalets d’alpage. Ils témoignent d’une intelligence architecturale profondément ancrée dans la compréhension du terrain et du climat. Dans le Val d’Hérens, particulièrement autour d’Evolène, ces constructions s’étagent harmonieusement entre les villages et les hauts pâturages.
Chaque détail de leur construction révèle une parfaite adaptation à l’environnement montagnard. Les murs, souvent en pierre sèche, conservent la chaleur. Les toits, traditionnellement couverts de bardeaux de mélèze, protègent contre les intempéries tout en développant avec le temps une patine cuivrée caractéristique sous l’effet du soleil.
La vie dans les mayens suivait – et suit encore parfois – le rythme naturel des saisons. Au printemps, quand la neige commence à fondre et que l’herbe reverdit, les familles (essentiellement les femmes et les enfants) montaient avec leur bétail pour profiter des premiers pâturages. Un autre passage avait lieu en automne, au retour des alpages, créant ainsi une transhumance verticale parfaitement adaptée aux ressources de la montagne.
L’intérieur des mayens raconte l’histoire d’une vie simple mais ingénieuse. La pièce principale, souvent unique dans les constructions les plus anciennes, servait à la fois de cuisine, de chambre et d’espace de vie. Le foyer, traditionnellement placé au centre puis déplacé dans un angle, jouait un rôle central : non seulement il réchauffait l’espace, mais sa fumée servait aussi à conserver les viandes et le sérac, tout en protégeant naturellement le bois et les habits des insectes. Dans certains mayens, on trouve encore le « brenno », une structure ingénieuse faite de poutres et de tablettes superposées, conçue pour protéger les provisions des rongeurs.
L’ameublement, entièrement réalisé en bois local – principalement en mélèze et en arole – témoigne d’un artisanat minutieux : tables massives, bancs robustes, et systèmes ingénieux de rangement adaptés à la vie en montagne. Même les ustensiles de cuisine, des cuillères aux grands récipients pour le lait, étaient taillés dans le bois, montrant une utilisation optimale des ressources voisines.
Aujourd’hui, parcourir les sentiers du Val d’Hérens à la découverte des mayens, c’est faire un voyage dans le temps. Ces bâtisses racontent l’histoire d’une région où les traditions demeurent vivantes. Entre les prairies où l’odeur des foins fraîchement coupés embaume l’air et les forêts de mélèzes qui se parent de cuivre à l’automne, les mayens témoignent d’une harmonie rare entre l’homme et la montagne.
Le Val d’Hérens n’est pas un simple musée à ciel ouvert. Ces constructions centenaires, dont certaines remontent au 18ème siècle, continuent d’évoluer tout en préservant leur authenticité. Certaines ont été restaurées avec respect, d’autres gardent leur aspect d’origine, créant un paysage culturel unique où le passé dialogue constamment avec le présent.
Les mayens représentent bien plus qu’un simple patrimoine architectural : ils sont le témoignage d’une sagesse montagnarde qui résonne particulièrement à notre époque où la recherche d’un rapport plus harmonieux avec la nature devient essentielle.
Pour découvrir les mayens, de nombreux sentiers balisés parcourent le Val d’Hérens. Le printemps et l’automne sont des périodes particulièrement propices pour observer cette architecture traditionnelle dans son écrin de nature changeante.
Crédit photos :
Jean Simonnot, Médiathèque Valais – Martigny
Fonds Fridolin Imstepf, Médiathèque Valais – Martigny